Le microcrédit : une réalité à nuancer
Au Bengladesh, Mohammed Yunus, président de la Grameen Bank, s’est fait attribuer des hectares et des hectares d’étangs pour y produire des crevettes et y employer presqu’exclusivement des femmes et des enfants. Les preuves de réussite du microcrédit se fondent en général sur des cas individuels. On monte en épingle un indépendant qui sort du lot et réussit à monter une petite entreprise. La plupart du temps, on incite les emprunteurs potentiels à se lancer dans une production artisanale ou agricole qui intéresse le marché international ou touristique jusqu’à saturation de ce marché, effondrement des prix de vente, ce qui conduit la personne endettée au cercle vicieux de l’endettement ou à la faillite. Entre-temps, le business des créanciers aura fonctionné sans désemparer.
Toutefois, de nombreuses ONG qui font du microcrédit ne se privent pas de critiquer le modèle de la Grameen Bank de Momammed Yunus. Elles essayent sincèrement de monter des programmes de microcrédit qui offrent toutes les garanties sociales. Quoi qu’on en dise, au départ, tout le monde s’est inspiré du modèle de Yunus. Il a servi d’agent publicitaire pour l’ensemble du système de microcrédit. Mais il y a des nuances. Si on propose le microcrédit pour créer une mini-entreprise ou acquérir un outil de travail, cela se discute évidemment. Mais souvent ces productions sont « téléguidées ». On amène ainsi, par exemple, les femmes à abandonner leur activité traditionnelle et spontanée pour les orienter vers une activité économique adaptée au marché mondial. On se souvient de cette opération « flood » en Inde, au cours de laquelle on a incité les paysannes à emprunter pour acheter une vache qui fournirait du lait aux villes... Sans parler des déboires des emprunteuses, on sait que celles-ci finissaient par devoir acheter du lait pour leur propre consommation.... En fait, ces femmes avaient dû abandonner leur auto-production alimentaire pour devenir des productrices/consommatrices sur le marché. Beaucoup se sont éreintées et ruinées. Très souvent il s’agit de productions qui changent les habitudes alimentaires des gens : ils doivent par exemple cultiver des haricots au lieu de cultiver ce qu’ils mangent habituellement, parce que les haricots peuvent être vendus sur le marché international.